TROUVER DES FINANCEMENTS EN COTE D’IVOIRE POUR CREER OU DEVELOPPER SON ENTREPRISE
En dépit des préjugés, les institutions dont le rôle est de participer au financement des entreprises privées en Afrique de l’Ouest, donc en Côte d’Ivoire, sont nombreuses. « Les banques africaines sont frileuses lorsqu’il s’agit de financer la création d’entreprises de petite taille ou l’expansion de leurs activités. » Telle est la réponse souvent entendue lorsqu’on interroge les entrepreneurs en herbe ou les patrons de PME chevronnés. On constate en effet, ici et là, la réticence des banques à financer ceux qui veulent créer leur propre entreprise ou le secteur des PME. Or, ce sont ces petites et moyennes entreprises qui peuvent tirer la croissance économique et participer efficacement au long processus de développement. La Côte d’Ivoire, comme d’autres pays d’Afrique subsaharienne, a besoin d’un tissu économique pérenne et dynamique. Le maillon faible est souvent le secteur des PME. La recherche de financements relève d’un parcours du combattant. Il ne faut cependant pas se décourager, même lorsque les portes des banques restent hermétiquement fermées. Car ce n’est pas la fin du monde, loin s’en faut. D’autres solutions de rechange existent. Il faut toutefois bien s’informer sur les financements alternatifs et savoir à quelle porte il convient de frapper pour avoir quelque chance de réussite.
La BOAD, soutien des PME-PMI
Sur le plan régional, la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), dont le siège se trouve à Lomé, est l’une de ces portes auxquelles les entrepreneurs peuvent frapper. Elle a adapté sa stratégie en faveur du secteur privé au regard de l’orientation des économies des Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). « Dans cette zone, le secteur privé est perçu comme un vecteur moderne de création de richesses au bénéfice des populations », confie son président, Abdoulaye Bio Tchané. « Ainsi la BOAD se positionne-t-elle comme un partenaire privilégié des entreprises, leader des financements innovants que sont notamment les partenariats publics privés, le conseil financier, etc. », poursuit-il. La nouvelle stratégie de la banque a notamment pour objectif de favoriser ou de renforcer les véhicules spécifiques de financement des PME-PMI et de rendre plus compétitives les conditions de financement de l’institution financière.
En 2009, la BOAD a décaissé quelque 85 milliards de francs CFA en faveur du secteur privé, ce qui représentait 36,6 % de ses engagements de l’année. Il est prévu en 2010 une enveloppe de 105 milliards FCFA pour le financement du secteur privé de la zone Uemoa, ce qui devrait absorber 38 % du total des engagements de l’année. S’agissant de l’information d’éventuels bénéficiaires, son président se veut également rassurant : « Les produits offerts sont bien connus des opérateurs économiques, le niveau des concours concernant le secteur privé en est une preuve. Dans le cadre de la stratégie commerciale et marketing de la banque – en cours d’élaboration –, nombre d’outils de vulgarisation de nos produits et services seront mis en place, avec pour vocation d’être diffusés au plus grand nombre. Nos missions résidentes et la direction des entreprises et du secteur financier, déjà actives dans les démarches prospectives et de suivi personnalisé des clients, vont être soutenues par un dispositif commercial orienté vers une prise en charge plus accrue de nos clients. » La BOAD dispose en Côte d’Ivoire d’une mission résidente où les patrons de PME peuvent obtenir de plus amples renseignements sur les interventions de l’institution communautaire. D’autant que la direction insiste sur l’ouverture, depuis le mois de juillet dernier, d’un centre d’informations dédié au secteur privé dans lequel sont accueillis les opérateurs privés désirant être accompagnés par la banque. Les chefs d’entreprise peuvent donc y trouver nombre d’informations sur les produits, les services et les modalités d’intervention qu’elle propose.
La BOAD a récemment pris une fraction du capital de la nouvelle compagnie aérienne privée Asky, qui est déjà opérationnelle. « Notre décision de la soutenir tient à plusieurs éléments. Aujourd’hui, ce n’est un secret pour personne que les liaisons aériennes intra-africaines d’une part, et entre l’Afrique et le reste du monde d’autre part, sont de plus en plus difficiles, notamment depuis la disparition de l’ex-Air Afrique entraînant – même avec le concours de la multitude de compagnies qui opèrent actuellement – un enclavement du continent africain en général et de la zone Uemoa en particulier », explique Abdoulaye Bio Tchané. D’après lui, la création de Asky répond à la nécessité de fluidifier la mobilité humaine, de dynamiser et de renforcer les échanges économiques à l’intérieur de la région ouest-africaine, et entre le continent africain et le reste du monde. Et d’ajouter que l’envol d’Asky permettra d’accompagner les relations économiques et commerciales entre les États de la région et leurs nouveaux partenaires d’affaires dans le Moyen-Orient et contribuera au développement du tourisme intra-africain et international en direction de l’Afrique. D’où le soutien qui lui est apporté.
La BIDC, bras financier de la Cedeao
Egalement basée à Lomé, la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC) fournit, de son côté, un financement aux entreprises privées de la zone. Ses domaines d’intervention couvrent presque tous les secteurs économiques des pays membres de la Communauté économique et de développement des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Cette autre institution financière communautaire accorde des prêts à court, moyen et long terme. A en croire la direction, la durée des prêts consentis est fonction de la nature des projets et de leur rentabilité. Toute demande de prêt doit être adressée au président de la BIDC, Christian Adovelande.
AFD, un fonds pour des régions instables
D’autres acteurs internationaux prennent eux aussi des participations dans le capital des sociétés créées en Côte d’Ivoire. Il s’agit notamment de l’Agence française de développement (AFD) et sa filiale Proparco, dont la mission principale est de financer le secteur privé dans les pays du Sud. Depuis avril 2009, Proparco s’est dotée d’un fonds d’investissement pour prendre des participations dans des entreprises, des banques, des institutions de microfinance et dans des fonds d’investissement déployant leur activité en Afrique subsaharienne. D’après le directeur général délégué de l’AFD, Michel Jacquier, qui préside aussi le Fonds d’investissement et de soutien aux entreprises en Afrique (Fisea), cet instrument est consacré à des opérations plus risquées que celles que les investisseurs acceptent spontanément de financer. « En effet, ajoute-t-il, il visera des régions plus instables ou en sortie de crise, des investissements de plus petite taille et des secteurs traditionnellement délaissés comme l’agriculture, la microfinance, les énergies nouvelles, mais aussi la santé et l’éducation. » La Côte d’Ivoire répond parfaitement aux critères d’éligibilité au Fisea, mais encore faut-il que les projets financés soient financièrement rentables.
La SFI, une piste à ne pas négliger
Autre guichet : celui de la Banque africaine de développement (BAD). A travers sa direction du secteur privé, cette institution financière aide les entreprises à se développer et à diversifier leurs activités. La Banque mondiale n’est pas en reste. La Société financière internationale (SFI), sa branche orientée exclusivement vers le secteur privé, est son bras séculier. Son vice-président Afrique, basé à Johannesburg, n’est autre que l’Ivoirien Thierry Tanoh, ce qui ne gâche rien. La SFI est connue pour son rôle dans l’amélioration du climat des affaires et le financement de grands projets. Mais ce que beaucoup ignorent, c’est que cette branche de la Banque mondiale apporte également un soutien massif aux PME. « C’est le plus gros secteur générateur de croissance et d’emploi en Afrique subsaharienne (...), estime Thierry Tanoh. Les entrepreneurs disent toujours qu’ils ne peuvent pas s’adresser à la SFI car leurs projets sont trop petits. » Le vice-président se veut rassurant tout en tordant le coup aux idées reçues, précisant que toute PME dotée d’un dirigeant ayant la tête sur les épaules et qui a une structure saine avec un bilan équilibré peut s’adresser à l’antenne locale de la SFI. Un de ses représentants est notamment présent dans les locaux abidjanais de la Banque mondiale, à Cocody. Thierry Tanoh explicite ensuite les critères d’éligibilité au soutien de la SFI : « Dans un premier temps, il faut avoir quelqu’un qui connaisse son métier, son marché. Il est difficile de financer une entité qui rentre dans un secteur pour la première fois. Il faudrait que l’entrepreneur ait de préférence un passé dans son secteur d’activité. Ensuite, nous essayons de travailler avec des gens qui ont une surface financière stable pour pouvoir passer à l’étape supérieure : une phase de croissance locale ou régionale. » Au Mali, le groupe hôtelier Azalaï a bénéficié des concours de la SFI, notamment pour son extension et son implantation au Burkina voisin. Contrairement à Proparco, la branche de la Banque mondiale n’est donc pas la voie indiquée pour les créateurs d’entreprises, mais plutôt pour les patrons qui veulent développer leurs activités, se diversifier ou restructurer leurs sociétés. Elle est une piste à ne pas négliger. « La SFI ne prête pas 25 % du coût d’un projet ou 50 % d’une expansion, rappelle le vice-président Afrique. Si je prête 50 000 dollars, cela veut dire que le coût total du projet concerné atteint 250 000 dollars lorsqu’il s’agit d’une expansion. Beaucoup de projets de cette taille équivalent à des PME en Afrique francophone, plus précisément dans les pays de la zone franc. Quand il s’agit d’intervention directe de la SFI, l’investissement minimum peut descendre jusqu’à 100 000 dollars, comme cela a été le cas [en 2007] à Madagascar. Ceci pour dire que nous sommes à même de descendre à un niveau raisonnable. »
« Nos interventions en faveur des PME portent sur les financements mais aussi sur l’assistance technique. Financer ces sociétés n’est pas une fin en soi. Il ne suffit pas de financer les entrepreneurs, encore faut-il leur donner une assistance technique de manière à ce qu’ils puissent améliorer la gestion de leur entreprise », poursuit ce fils de la Côte d’Ivoire, formé également en France et aux Etats-Unis. Pour lui, une telle assistance technique peut se faire par le biais d’un soutien à l’équipe managériale. La SFI travaille en effet avec Amsco, une institution qui fournit des managers aux PME. « L’assistance technique de la SFI permet aussi d’aider une entreprise à préparer un plan de financement ou un projet d’expansion, ce qui peut ensuite lui permettre par exemple d’accéder aux banques locales. Nous avons créé dans ce sens des petites structures à Madagascar, au Mozambique et au Kenya. Il s’agit des fonds à capital-risque pour les PME. Le prêt minimum atteint 50 000 dollars. Mais le maximum ne va jamais au-delà de 750 000 dollars. »
Le Centre des entreprises (CDE) et son antenne à Dakar
D’autres institutions apportent également une assistance technique. Le Centre des entreprises (CDE), basé à Bruxelles, est l’une d’elles. Dirigé aujourd’hui par Mabousso Thiam, il fournit, au cas par cas, une assistance flexible aux entreprises individuelles et aux prestataires de service du secteur privé dans les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Le bureau régional dont dépendent les entreprises ivoiriennes se trouve à Dakar. Le CDE aide notamment les industries à améliorer la compétitivité de leur production. Les industriels africains bénéficient également des conseils avisés des experts de l’Organisation des nations unies pour le développement industriel (Onudi), dont le siège est localisé à Vienne, en Autriche. Rien ne coûte aux créateurs d’entreprises ou aux industriels en quête d’informations de faire un tour dans les locaux de l’Onudi à Abidjan, où l’Italien Alessandro Parlatore, le représentant-résident, se fera un plaisir, avec son accent inimitable, de les renseigner.
Les fonds de capital-risque et de capital-investissement
Depuis plusieurs années, les entreprises en création ou en expansion peuvent trouver aussi à se financer auprès des fonds de capital-risque, et surtout des fonds de capital-investissement. Beaucoup de patrons ont déjà entendu parler du fonds Cauris mis en place par la BOAD. Certains d’entre eux ont pu développer leurs affaires grâce à Cauris Management, qui a pris des participations dans leur capital, leur fournissant ainsi les fonds propres qui font cruellement défaut dans les entreprises de petite taille en Afrique. Au Bénin par exemple, l’homme d’affaires multicarte Olofindji Babatunde a pu développer ses activités grâce notamment à un appui de Cauris. Il est aujourd’hui à la tête d’un groupe qui s’étend de l’imprimerie à l’agriculture, en passant par la distribution automobile.
Ces dernières années, plusieurs fonds ont vu le jour en Afrique. C’est notamment le cas de Tuninvest qui a lancé le fonds Afric Invest II. Basé à Washington, le fonds américain Emerging Capital Partners (ECP) s’est spécialisé, lui aussi, sur le continent africain. Depuis Tunis où se trouvent ses bureaux, le directeur Afrique d’ECP, Vincent Le Guennou, est à l’affût des opportunités d’affaires sur le plan local. ECP est par exemple devenu en 2009 l’actionnaire majoritaire de Finagestion, la société holding qui détient la gestion des activités de l’eau au Sénégal et en Côte d’Ivoire (Sodeci) et celles de production et de distribution d’électricité en Côte d’Ivoire (CIE). Autre société de gestion des fonds : Afig, créée et dirigée par Papa Madiaw Ndiaye. Les différents fonds lancés par ce Sénégalais s’intéressent notamment aux sociétés à forte capacité de croissance. De son côté, Félix Bikpo, ancien directeur général de la Banque Atlantique, joue également sa partition. Après avoir contribué à l’implantation d’Access Bank hors du Nigeria, cet Ivoirien dont les bureaux se trouvent à deux pas de l’hôtel Tiama est également sur le point de lancer Success, un fonds à hauteur de 45 millions d’euros qui projette d’investir en fonds propres et en quasi-fonds propres dans les PME et PMI à fort potentiel de croissance et de rentabilité installées dans la zone Uemoa.
Il existe enfin d’autres fonds dont le but est de garantir les prêts accordés par les banques aux entreprises. En effet, beaucoup de sociétés en gestation n’ont pas la possibilité de présenter les garanties exigées par les établissements de crédit avant de leur octroyer un financement. Pour prendre en charge un tel risque, plusieurs organismes ont mis sur pied un fonds de garantie pour accompagner les banques dans leur activité d’octroi de prêts. De leur côté, d’autres institutions financières mettent une ligne de crédit à la disposition de certaines banques pour qu’elles puissent faire des prêts aux entreprises, y compris à celles de petite taille. La Banque européenne d’investissement (BEI) utilise par exemple sa facilité d’investissement pour appuyer le secteur privé à travers des fonds.
La BOAD dispose, pour sa part, du fonds Gari (Garanties des investissements privés en Afrique de l’Ouest). C’est en partie grâce à celui-ci que Sifca a pu racheter à la fin des années 1990 la Société des huileries de Bohicon (SHB), au Bénin. De son côté, l’AFD a créé et mobilisé le fonds de garantie Ariz (Assurance pour le risque de financement de l’investissement privé en zone d’intervention AFD) pour faciliter l’accès des PME africaines au crédit bancaire et au capital. « À cette occasion, l’agence met en œuvre un système de garantie qui couvre automatiquement tous les prêts bancaires aux PME répondant à des critères prédéfinis », explique-t-on au siège de l’AFD à Paris. De leur côté, la BAD et la SFI envisagent de lancer avec la coopération danoise le Fonds africain de garantie (FAG), destiné à développer le secteur des PME sur le continent. Beaucoup d’acteurs ont compris que les petites et moyennes entreprises sont le fer de lance des économies africaines. « Quand les PME vont, tout va !», pourra-t-on dire un jour sur le continent africain.